JOurnée d’étude « Auto-construire, rénover, faire construire : l’habitat en chantier entre tactiques et contraintes »

Journée d’étude – École nationale supérieure d’architecture Clermont-Ferrand

printemps 2026

Méghane Adam (UCA, Lescores), Amélie Flamand (ENSA Clermont-Ferrand/UMR Ressources), Luisa Salieri (VetAgro Sup, UMR Territoires)

Le chantier constitue une expérience qui permet de penser, de définir et de réaliser, à travers des nombreux ajustements pratiques (Ingold, 2018), les agencements qui constitueront le « monde » (Heidegger, 1958) dans lequel les futurs habitant·es pourront évoluer. Dans la sphère de l’habitat, les chantiers peuvent prendre une pluralité de formes : de la construction de maisons (De la Pradelle et Corbillé, 2004 ; Tapie, 2005) à l’auto-construction (Howa & Chauvier, 2024 ; Messu, 2007) ou les pratiques “du travail du domicile” (Vignal, 2018) dont l’auto-rénovation (Hamon et al. 2022), en passant par l’acquisition de logements « à construire » (Le Garrec & Leroy 2023), jusqu’à l’autopromotion (Biau et al. 2012).

De la conception, à la réalisation, à la maintenance (Denis & Pontille, 2022) ou à la rénovation de leur logement (Berra & Pinson 2006), cette journée d’étude se concentrera sur l’expérience du chantier telle qu’elle est vécue par les habitant·es qui prennent en charge tout ou partie des travaux. Nous interrogerons les circonstances du recours à ces pratiques, les ressources, les compétences ou le capital technique (Bourdieu & Saint Martin 1990) mobilisés au cours du chantier, ainsi qu’à leur origine familiale, professionnelle ou liée à un ancrage social particulier (Collectif Rosa Bonheur, 2019). Nous explorerons également les motivations qui conduisent les habitant·es à entreprendre ces travaux, en tenant compte de la diversité des registres dans laquelle s’inscrivent leurs pratiques. Si les contraintes économiques, institutionnelles ou sociales pèsent indéniablement sur les ménages (Bonnardot 2024), elles ne suffisent pas à elles seules à expliquer l’engagement dans ces pratiques. De la débrouille, aux tactiques, en passant par les stratégies, et les compétences (Lees, 2014 ; Bouillon, 2007 ; Lion, 2015), cet engagement relève de choix plus ou moins assumés, d’opportunités saisies, de ressources et de liens sociaux mobilisés, ou encore de logiques de sens et de valorisation sociale. L’enjeu est ainsi moins d’opposer obligation et distinction, que de saisir la pluralité des combinaisons possibles.

Nous essayerons de saisir les cadres et limites dans lesquels ces « arts de faire » (De Certeau, 1990) peuvent s’exprimer. En effet, au cours de ces expériences, les habitant·es se confrontent à des contraintes ou à des opportunités produites par des normes, des réglementations ou des politiques publiques de l’habitat (Eleb & Simon 2013). De plus, dans certains cas, l’expérience du chantier est réalisée dans le cadre d’accompagnements ou d’encadrements proposés par des professionnel·les (Biau & al. 2010). Ces expert·es réalisent des tâches de médiation technique et parfois, plus largement, de conseil ou de travail social, en étant mandaté·es pour évaluer les “capacités à habiter” (Demoulin, 2016) des ménages les plus précaires.

Enfin, ces différentes expériences peuvent être appréhendées par plusieurs outils, méthodes de représentation ou formes d’écriture, mobilisant des dimensions visuelles, audios ou sensibles de l’habiter, au croisement de différents champs disciplinaires. Ces approches permettent de proposer d’autres formes d’enquête et de restitution, au-delà des protocoles de recherche classiques, qui peuvent également être des supports de médiation entre chercheur·es, professionnel·les et habitant·es.

Cette journée d’étude cherchera ainsi à mieux comprendre la manière dont ces pratiques se déploient, contribuant à transformer le rapport des habitant·es à leur logement et, plus largement, à l’habiter.